Poisson vendu vivant et l'abattage Ikejime en France
Date de publication : 13/05/2020
À travers cette étude, l’Unité Pêche et aquaculture de la Direction Marchés, études et prospective de FranceAgriMer cherche à analyser les opportunités que pourraient apporter le développement des ventes de poisson vivant et de poisson ayant reçu l’abattage ikejime (permettant d’obtenir la mort cérébrale et non l’étouffement) afin de déterminer si ce marché, aujourd’hui à l’état de niche mais en forte croissance, est à la fois techniquement et économiquement viable et socialement acceptable.
Méthodologie
Après un retour d’expérience et un bilan des activités actuelles, sur l’organisation, les volumes et prix obtenus, l’identification des freins au développement interne et externe, les besoins en investissements et en compétences, l’étude propose une modélisation des coûts d’investissement et de fonctionnement tout au long de la filière. Un examen du bénéfice produit est ensuite réalisé, suivant une approche neurophysiologique de l’ikejime, la perception de la différence gustative, l’opinion des restaurateurs/utilisateurs et les différences technologiques constatées. Après une analyse du potentiel de l’offre et de la demande, l’étude détaille les différents facteurs de risque qui peuvent se poser en cas de développement de telles filières en France et expose différents scénarios de développement.
Résultats
Le marché actuel des ventes de poisson vivant ou ikejime est un marché de niche (moins de 100 tonnes vendues en vif, moins de 100 tonnes vendues ikejime, du thon « sashimi grade » importé) dont une grande partie se passe hors criée, à un prix supérieur de 20 à 30 % au poisson standard et dont les clients principaux sont les restaurateurs. Les coûts générés sont marginaux pour les professionnels et portent surtout sur le temps consacré au soin à apporter au poisson. Dans les cas où l’abattage ikejime se produit plus en aval, l’investissement est plus élevé avec l’organisation des mises en vivier et le transport, impliquant une hausse du prix au kilo de 5 à 7 €. Le coût peut être largement atténué en aquaculture grâce à une automatisation du procédé et un équipement adapté déjà présent.
Les restaurateurs perçoivent un gain de fraicheur, une texture et un goût bonifiés (l’approche sensorielle confirmant que la chair est plus blanche, plus transparente et se conserve mieux), permettant de valoriser des espèces peu réputées, et de se différencier par un argumentaire gastronomique et sociétal (la décérébration et la démédullation, composantes de l’abattage ikejime, étant des techniques assurant une insensibilisation immédiate à la douleur, la saignée donnant la mort biologique au poisson par la suite).
L’offre pourrait évoluer soit vers un total de 5 % de captures totales vendues en vivant ou ikejime permettant d’alimenter un marché mature et stable, soit vers un engouement massif des pêcheurs, notamment les ligneurs, caseyeurs et fileyeurs qui monteraient à 10 % du total de leurs captures, avec un marché capable d’absorber ces volumes sans baisse de prix (comme actuellement).
Les restaurateurs (restauration asiatique haut de gamme, restauration de luxe, restauration gastronomique traditionnelle spécialisée en poisson et quelques poissonniers) constituent l’essentiel des clients, tandis que les mareyeurs et les grossistes sont actuellement en position d’observateurs. Au milieu de ces transactions, les petites criées y ont vu une opportunité à travers un regain d’attractivité.
Cette nouvelle filière doit être attentive aux retombées médiatiques et protéger l’image de ces produits, en proposant, comme le Comité des Pêches du Morbihan, un guide méthodologique pour veiller aux bonnes pratiques des professionnels souhaitant se lancer dans ce mode d’abattage, en prévoyant des formations pour obtenir une bonne maîtrise sanitaire, et en se concentrant sur la communication par un argumentaire adapté et organisé.
Les scénaris envisagés découlent du niveau de maîtrise de ces risques et oscillent entre développement limité et succès confidentiel, apparition du poisson ikejime comme une nouvelle garantie de qualité et de goût, assortie d’une image forte et, dans le cas optimiste, généralisation de la pratique à la grande distribution, en lien avec une forte mise en avant commerciale et un changement profond des pratiques (saignées et abattage par percussions systématiques, obligation de la surgélation sashimi grade).
Les mesures préconisées concernent surtout les formations, un rôle conforté des Organisation de producteurs et des halles à marée dans l’agréage des produits, formation à la maturation, le soutien au développement de la production, notamment sur le volet aquacole, la mise en œuvre d’un programme de R&D ainsi que la promotion auprès des cuisiniers.