Quel développement pour la filière caprine en Europe du sud ?
Date de publication : 20/05/2022
Afin de réfléchir à sa stratégie de développement, la filière caprine française se doit de tenir compte des évolutions des autres pays producteurs. Dans ce cadre, cette étude cherche à étudier le fonctionnement ainsi que le potentiel de développement des filières caprines dans les autres pays producteurs de l’Union européenne, à savoir la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie pour le lait et la viande, et l’Italie et le Portugal pour la viande.
Objectifs
Pour chacun des pays concernés (Bulgarie, Grèce, Roumanie, Italie, Portugal), l’étude poursuit les objectifs suivants :
• apporter une connaissance fine des quantités produites, consommées et échangées afin de positionner la France dans ce contexte ;
• décrire précisément le fonctionnement des filières et leurs stratégies afin de s’inspirer des fonctionnements vertueux le cas échéant ;
• avoir une réflexion prospective sur l’évolution potentielle de ces filières concurrentes afin d’identifier les possibles impacts sur la filière française à moyen terme.
Méthodologie
La méthode de l’étude repose sur trois phases distinctes. La phase initiale a consisté à collecter et analyser l’ensemble des données quantitatives disponibles en ligne, ainsi qu’à préparer un guide d’entretien et un canevas pour les études de terrain. Une phase de collecte d’informations sur le terrain a ensuite été réalisée pour chacun des cinq pays à travers des interviews et l’identification de données disponibles sur place. Enfin, les principaux résultats de la phase de collecte ont fait l’objet d’un atelier de réflexion avec les représentants des filières, membres du comité de pilotage, afin d’identifier les impacts potentiels et les enjeux pour le développement de la filière caprine française.
Résultats
En 2019, avec plus de 4 millions de bêtes, la Grèce arrive en tête des cheptels caprins européens loin devant l’Espagne, la Roumanie et la France. Cependant, et malgré l’importance relative de leurs cheptels, les rendements laitiers dans les pays étudiés sont bien inférieurs à ceux de la France. L’Hexagone conserve ainsi son avantage de premier producteur mondial de lait de chèvre avec une production de 638 millions de litres en 2019 juste devant la Grèce avec une production moitié moindre de celle de la France. Vient ensuite la Roumanie, dont la production représente environ le tiers de la production laitière française. Les productions laitières du Portugal et de la Bulgarie, de niveau déjà faible, ont baissé respectivement de 14 % et 31 % entre 2013 et 2019. Parallèlement, sur le marché des produits transformés, la consommation en Grèce est toujours dominée par la feta, largement consommée dans ce pays (8 % du marché total des fromages blancs du pays). En revanche, la Roumanie se caractérise par une consommation de produits transformés très limitée et spécifiquement destinée aux personnes ayant des problèmes de santé et aux bébés. Le marché des produits laitiers caprins en Bulgarie est très réduit et les achats se situent principalement sur les marchés fermiers ou en vente directe. Pour ce qui concerne les échanges commerciaux, en raison du manque d’organisation du secteur caprin, le lait de chèvre produit en Roumanie est très peu exporté à l’exception de quelques envois vers la Grèce et les pays voisins. À l’inverse, 80 % de la production bulgare est exportée principalement vers la Roumanie et la Grèce ainsi que vers l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie. En 2020, l’exportation grecque de feta a atteint un niveau record avec 80 700 tonnes, soit 62 % de la production totale. Les destinations principales sont l’Allemagne (33 %), le Royaume-Uni, l’Italie, la Suède, la France et les Etats-Unis. Quant aux importations, la Grèce importe chaque année environ 3 000 tonnes de lait de chèvre, tandis que la Roumanie et la Bulgarie n’importent que très peu de produits laitiers caprins ; en raison de leurs prix trop élevés comparativement aux produits locaux, ces produits importés restent réservés à des consommateurs aisés. Contrairement à la production laitière, les pays étudiés ont des caractéristiques relativement similaires en ce qui concerne la production de viande caprine. Ainsi, la viande caprine représente principalement un coproduit de la production laitière dans tous les pays étudiés à l’exception du Portugal et de la Grèce où on peut trouver quelques troupeaux orientés viande. En effet, la production de viande caprine en Grèce a été de 20 000 tec en 2019, soit 4 fois la production française. Les autres pays ont une production beaucoup plus faible. La consommation de viande caprine connait un pic saisonnier lors des fêtes de Pâques, de Noël et du 15 août (en Grèce, au Portugal et en Italie), ainsi que pendant le Ramadan (dans le sud de la Roumanie notamment). Pour autant, il existe une consommation significative de viande caprine tout au long de l’année en Grèce (15 % de la consommation toutes viandes confondues). À l’international, l’Italie et le Portugal sont les principaux importateurs de viande caprine. Leur approvisionnement se fait principalement auprès de la Grèce et, dans une moindre mesure, de la France.
Conclusion
Leader devant l’Espagne, la Grèce et la Roumanie, la filière laitière caprine française est déterminée à assurer sa pérennité et à saisir les opportunités offertes par le développement des marchés en France, comme à l’exportation, dans un contexte d’accroissement de la consommation mondiale. Au contraire, la production de viande caprine française reste modeste comparée aux autres pays notamment la Grèce et le Portugal, faute d’un réel débouché. Bien que souvent négligée à cause de son faible poids économique dans les systèmes laitiers, la valorisation des chevreaux et des réformes devrait occuper une place plus importante dans les élevages, notamment au regard des enjeux sociétaux actuels. Ainsi, mieux connaître les flux d’animaux vivants et les débouchés de ces viandes doit permettre à la filière d’optimiser les circuits de commercialisation des animaux et d’améliorer la valorisation de la viande.