Ressources en biomasse et méthanisation agricole : quelles disponibilités pour quels besoins ?
Date de publication : 01/09/2022
L'objectif de cette étude est d'estimer le taux d’utilisation de la biomasse agricole fermentescible par la méthanisation agricole dans les cinq années à venir, et repérer les potentielles tensions sur la disponibilité des gisements.
Objectifs
L’objectif de ce travail est d’estimer le taux d’utilisation de la biomasse agricole fermentescible par la méthanisation agricole dans les cinq années à venir, et de repérer les risques de tensions sur la disponibilité des gisements qui pourraient émaner de potentielles concurrences d’usages.
Méthodologie
Périmètre d’étude : la biomasse issue de l’agriculture et des industries agroalimentaires (source : ONRB). Il s’agit donc des effluents d’élevage, des résidus de grandes cultures, des coproduits des industries agroalimentaires, des cultures intermédiaires à vocation énergétiques (CIVE) et des cultures principales dédiées (maïs fourrage et ensilage exclusivement). Types de méthanisation étudiés : les installations à la ferme et centralisées (source : SDES). La ration annuelle moyenne d’intrants des installations a été régionalisée. Elle est connue dans cinq régions (source : DREAL). Dans les huit autres régions, elle a été estimée par une moyenne des cinq rations régionales connues.
Hypothèses sous-tendant la demande en matières :
• scénario tendanciel de mise en route des 840 projets d’installations placés en file d’attente au 31 décembre 2021 ;
• la ration annuelle moyenne d’intrants des installations en file d’attente est identique à la ration annuelle moyenne d’intrants des installations en fonctionnement au 31 décembre 2021.
Résultats
Globalement, des déficits de matières fermentescibles existent dans des régions d’élevage peu céréalières, et dans des régions céréalières avec peu d’élevage. Ces déficits sont comblés par des échanges inter-régionaux de matières. En ce qui concerne les effluents d’élevage, il existe des déficits de matière dans deux régions, comblés par des flux interrégionaux. On n’observe pas de tension au niveau national. De leur côté, les résidus de grandes cultures se caractérisent par des déficits structurels de matière dans les régions d’élevage peu céréalières, dus à une demande soutenue en pailles pour les litières. À l’échelle nationale, en année de basse production céréalière, une possible tension sur les pailles de céréales peut survenir entre méthanisation et litière. Quant aux coproduits des industries agroalimentaires, ils entrent en tension avec l’alimentation animale s’il est décidé que celle-ci reste le débouché prioritaire. Les CIVE, pour leur part, sont implantées sur 3 % des surfaces de grandes cultures. Mais le potentiel tenant compte des limites agronomiques et environnementales reste à déterminer. Enfin, côté cultures principales dédiées, la méthanisation capte 5 % du maïs fourrage et ensilage produit en France métropolitaine, si on part du principe que cette culture est la seule utilisée comme culture dédiée à la production de biogaz. Ce pourcentage pourrait augmenter si les CIVE n’absorbent pas la montée en puissance de la méthanisation.
Conclusion
Dans l’hypothèse où les 840 méthaniseurs agricoles en projet entreraient en fonctionnement, la méthanisation agricole pourrait susciter des tensions sur certains approvisionnements locaux en biomasse, notamment en pailles et en pulpes de betteraves. Des carences en matières méthanisables apparaissent dans les régions d’élevage peu céréalières, et dans les régions céréalières avec peu d’élevage. Cependant, des flux interrégionaux compensent ces déficits. Au bout du compte, la biomasse prise dans son ensemble, à l’échelle nationale, semble laisser une marge de croissance à la méthanisation. Cela étant dit, qu’en sera-t-il au-delà de la vision à court terme que donnent les 840 méthaniseurs en projet ? À moyen terme, un arbitrage sur l’usage de la biomasse fermentescible pourra devenir nécessaire pour fixer les objectifs de production de biométhane, en fonction de plusieurs paramètres environnementaux, logistiques, alimentaires et socioéconomiques. D’un point de vue purement massique, une concurrence entre la méthanisation et les besoins de l’élevage est à prévoir. La mise en place d’un outil pérenne de collecte exhaustive et régulière d’informations sur les approvisionnements des unités de méthanisation, opérationnelles et en projet à un instant t, permettra une gestion locale par les services déconcentrés et les collectivités locales des complémentarités et conflits d’usages de la biomasse.