AOP lavande et son positionnement dans la filière lavandicole
Date de publication : 04/11/2022
Dans un contexte concurrentiel fort, l’étude menée par le cabinet TRIESSE GRESSARD permet de faire le point sur la perception de l’AOP huile essentielle de lavande de Haute-Provence au sein du marché plus vaste des huiles essentielles de lavande ainsi que sur les attentes des opérateurs d’aval, afin de proposer différents scénarii d’évolution assortis de recommandations stratégiques.
Objectifs
L’appellation « Huile essentielle de Lavande de Haute-Provence », créée en 1981 afin notamment de différencier la lavande de population des lavandes clonales, tant françaises qu’étrangères, devait permettre de répondre à une demande spécifique des acheteurs. Or, la filière lavandicole se trouve confrontée aujourd’hui à une concurrence étrangère de plus en plus forte. L’étude a pour objectif de faire le point sur la perception de l’AOP et les attentes des acteurs du marché puis de fournir aux professionnels des scénarii d’évolution assortis de recommandations stratégiques afin de leur permettre de conforter le positionnement de la filière.
Méthodologie
L’étude a été conduite selon le déroulé suivant :
• une analyse documentaire et des échanges avec les principaux représentants de la filière lavande (CIHEF, PRODAROM, APAL, etc.) afin de mieux identifier les enjeux ;
• une trentaine d’entretiens avec des acteurs de l’aval représentant les différents segments de marchés (cosmétique, aromathérapie, etc.) pour qualifier leur perception de l’huile essentielle de lavande, AOP et non AOP, recenser leurs attentes et recueillir leurs propositions d’évolution ;
• l’animation d’ateliers de travail avec des producteurs de lavande permettant d’évaluer la solidité des scénarii et axes stratégiques pressentis ;
• la validation des scénarii en comité de pilotage.
Résultats
Les entretiens de cadrage conduits avec les représentants de la filière ont fait émerger des critiques liées au processus d’agrément, notamment du fait du poids donné à l’olfactif et à des critères analytiques aujourd’hui difficilement compatibles avec l’évolution des conditions de production. Par ailleurs le positionnement prix paraît décalé par rapport au marché, et on constate un manque de régularité des volumes. De fait, la différenciation de l’origine, en lien avec la problématique de la concurrence de la lavande bulgare, ne permet plus, ou pas suffisamment, à l’AOP de tirer son épingle du jeu. Le fonctionnement collectif de l’appellation s’en trouve affaibli et, même si certains producteurs y sont très investis, elle ne fait pas le plein sur le territoire. Les échanges avec les acteurs de l’aval ont quant à eux, permis de définir les critères d’achat et les attentes des secteurs de la parfumerie, de la cosmétique et de l’aromathérapie. Si l’importance donnée aux différents critères varie selon chacun de ces marchés, la garantie de disponibilité et la traçabilité sont deux critères communs et incontournables. Prix, composition chimique, et olfaction font partie des critères prioritaires et on assiste à l’émergence des critères environnementaux. Plus curieusement, l’origine France/Provence ne semble pas décisive dans les choix des opérateurs, très certainement parce que cette origine est attachée à la lavande en général, qu’elle soit AOP ou non. En confrontant ces exigences à la perception des acheteurs sur les différentes huiles essentielles de lavande, il est constaté que le décalage entre le produit actuel et les attentes des industriels se concentre sur quatre critères : des critères analytiques trop exigeants, un olfactif irrégulier, des volumes insuffisants et un prix trop élevé. Sur ces deux derniers enjeux, la lavande bulgare est bien positionnée.
Face à ces constats, synthétisés en forces/faiblesses et opportunités/menaces de la filière, l’étude a dégagé plusieurs pistes de travail, validées en comité de pilotage et présentées aux producteurs de lavande réunis en ateliers. Ces derniers, excluant le statu quo, se sont prononcés pour un maintien de l’AOP tout en modifiant son cahier des charges, afin de permettre de labelliser un volume plus important tout en corrigeant des conditions apparaissant aujourd’hui inadaptées. Certains points du cahier des charges n’ont pas été remis en question, notamment les rendements et les commissions d’olfaction, même si des axes d’améliorations ont été évoqués, comme la professionnalisation des commissions. De même, certaines ouvertures, telles l’autorisation des assemblages ou d’autres variétés que la lavande de population, ne dégageant pas de consensus entre producteurs n’ont pas été retenues dans les modifications possibles. Ainsi, deux options de modification ont été proposées : la première porte sur une évolution légère des seuls critères analytiques, et la seconde sur une évolution plus lourde de ces critères, associée, le cas échéant, à un zonage modifié de l’appellation. Enfin, indépendamment de l’orientation qui sera choisie par les professionnels, l’étude a dressé une liste d’actions dont la mise en place n’est pas liée à la modification du cahier des charges et qui seraient à court terme profitables à la filière, parmi lesquelles l’augmentation du budget de l’Organisme de Défense et de Gestion, une communication auprès du consommateur, le renforcement de la compétitivité hors prix au travers des arguments environnementaux.
Conclusion
Dans le contexte concurrentiel actuel, l’étude, réalisée par le cabinet Triesse Gressard, a donné la possibilité aux différents acteurs de la filière lavande en France, et bien entendu de la lavande AOP, d’exprimer leurs perceptions et leurs attentes ; elle a ainsi permis d’éclairer le débat et d’identifier des perspectives pour l’avenir. Parmi les différents scénarii proposés, les acteurs se sont positionnés pour une modification du cahier des charges de l’AOP, excluant tant le statu quo que la suppression de l’appellation. Dans le même temps, un certain nombre de recommandations ont été formulées pour améliorer la compétitivité de la filière française.