Fonctionnement général du marché des engrais minéraux dans la situation spécifique des filières grandes cultures
Date de publication : 24/10/2024
Auteurs : AND International pour l'Unité Grains et Sucre - SAEF - DMEP - FranceAgriMer
Cette étude vise à mieux comprendre, pour le secteur des grandes cultures, l’organisation et le fonctionnement du marché des engrais azotés, phosphatés et potassiques dans le monde, dans l’Union Européenne et en France.
Cette étude a permis de dresser un état des lieux de ce marché des engrais minéraux aux différentes échelles et de déterminer ses atouts, faiblesses, opportunités et menaces. Le cabinet a également cherché à faire des recommandations visant à améliorer la souveraineté nationale et réduire les risques encourus par les acteurs français.
Méthodologie
L’étude s’est appuyée sur la mobilisation des données quantitatives publiques disponibles, une large analyse bibliographique et 30 entretiens semi-directifs auprès de professionnels et acteurs de la filière fertilisation en France, en Europe et dans le monde. Les travaux ont permis de décrire les consommations, la production et les échanges d’engrais aux différentes échelles géographiques. Une analyse a été faite des principaux ressorts du marché en France, de ses perspectives, de ses forces, faiblesses, opportunités et menaces, au niveau des producteurs d’engrais et des agriculteurs positionnés en grandes cultures.
Résultats
Les recommandations formulées dans le rapport poursuivent l’ambition de favoriser l’adaptation et la résilience des acteurs des filières grandes cultures et engrais au nouveau contexte, en améliorant l’efficience globale et la durabilité des engrais utilisés, ainsi que la valorisation économique des produits céréaliers. La France dispose dans ce contexte d’atouts sérieux, parmi lesquels une filière céréalière structurée et performante, des industries agroalimentaires permettant de valoriser les produits agricoles, et des réseaux d’exportation bien établis. Elle bénéficie également de la présence sur son territoire de producteurs d’engrais de premier plan et de capacités d’innovation dans la chimie et l’agronomie. La dépendance croissante aux importations de matières premières et engrais finis, l’exposition à la volatilité des prix du gaz, l’enjeu du dérèglement climatique et l’instabilité géopolitique croissante perturbent le fonctionnement des marchés des engrais et des céréales. Cette situation requiert une approche globale qui dépasse le seul secteur des engrais.
La décarbonation de la production des engrais, dans laquelle se sont déjà engagés les acteurs industriels de la production, doit continuer à être soutenue, en s’appuyant sur le déploiement de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable. Le travail de la France dans la définition d’une taxonomie européenne de l’hydrogène bas-carbone doit se poursuivre et la transition doit également être soutenue par l’aval, selon des modalités qu’il reste à définir. Dans le contexte énergétique actuel, les engrais décarbonés devraient rester plus onéreux et les productions agricoles qui en sont issues devront bénéficier d’une valorisation à la hauteur du surcoût.
L’amélioration de l’efficience globale et l’investissement dans la production locale d’engrais décarbonés concourent à sécuriser l’accès de l’agriculture française aux engrais minéraux, mais ne sont pas suffisants. L’analyse du marché montre l’impossibilité, sauf changement radical de modèle agricole, d’un découplage de l’agriculture française du flux d’importation d’engrais minéraux (ou a minima de leurs produits précurseurs), notamment pour les produits miniers comme le phosphore et le potassium. Une stratégie d’approvisionnement doit être définie, qui vise à diversifier les sources d’importation et à minimiser le risque géopolitique. Une réflexion doit également être menée, dans le cadre de la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, sur l’approvisionnement en ammoniaque, incluant l’évaluation des surcoûts d’importation d’ammoniaque décarboné. La décarbonation de la production d’engrais doit être raisonnée en corrélation avec l’évolution du modèle agricole français.
L’expérience des crises passées montre cependant que l’action politique ou collective survient parfois trop tardivement, alors que les équilibres de marché ont été retrouvés et que les acteurs économiques n’ont plus intérêt à s’investir dans la réflexion. L’enjeu n’est pas uniquement de se doter d’outils de gestion de crise. Il s’agit également de veiller à garder des marges de manœuvres suffisantes pour pouvoir anticiper et faire face à des événements extrêmes et imprévisibles, grâce notamment à des outils réactifs, à la diversification des sources d’approvisionnement, au développement d’une production intérieure plus autonome ou à la poursuite de l’amélioration de l’efficience des systèmes agricoles.